Active sur la scène musicale québécoise dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, Marie Martine Bédard est arrivée dans les Laurentides en 2016. Elle effectue son retour artistique avec un projet singulier qu’elle construit entouré de la beauté des paysages laurentiens. Avec ce projet qu’elle baptise «Projet hippocampe», l’auteure-compositrice-interprète propose de la musique pour guérir et pour soutenir les survivantes d’agressions sexuelles. Avec cette initiative, elle espère voir un éventail de répercussions positives pour les victimes et leurs proches. Dans cet esprit, les profits des ventes de l’album seront remis aux RQCALACS.
Briser le silence est une étape essentielle vers la guérison pour les victimes d’agressions sexuelles et Marie Martine n’hésite pas à discuter et utiliser son vécu pour le traduire en une œuvre d’art. «J’étais très active sur la scène musicale dans les années quatre-vingt, mais après mon agression, j’ai tant bien que mal tenté de reconnecter avec certaines choses, dont la musique, mais ça a pris un certain temps». D’une carrière à temps plein en musique, en débutant notamment à la basse aux côtés de Patrick Bourgeois pour ensuite faire partie du premier cru féminin de groupes punk rock au Québec, l’agression – lire le viol – a fait en sorte que sa vie bascule complètement. Si elle accroche ses guitares en 1998, elle prendra près de dix ans à en rejouer : «Quand je me suis rendu compte que j’étais en train de me perdre sans la musique et que plusieurs choses n’allaient pas dans l’accueil que j’avais dans ma réalité de survivante avec plusieurs de mes proches, je suis retournée aux études en suivant des cours à distance, au Berklee College of Music.»
C’est durant son baccalauréat en «songwriting» et son certificat professionnel en guitare que Marie Martine Bédard a commencé à parler de son vécu dans ses chansons composées dans le cadre de ses cours. L’accueil positif qu’elle a reçu l’a encouragée et petit à petit sa démarche est devenue un projet.
«Quand j’ai appris que mon agresseur, un criminel récidiviste ayant fait trois générations de victimes, avait fait plusieurs autres jeunes victimes qui pourraient être mes filles, j’ai décidé de m’impliquer et d’aider. C’est ainsi qu’a germée mon idée du Projet hippocampe, récemment rebaptisé “Le voyage du cheval de mémoire”. Ce projet veut révéler sans détour les chemins qu’emprunte la survivance après le viol. Je prévois écrire, composer et arranger une suite de neuf à douze chansons en anglais et en français sur une période de douze mois, à partir d’une démarche qui fait appel aux effets physiologiques de la mémoire posttraumatique.»
Ce projet qui se réalisera d’abord avec l’assistance du laboratoire en arts technologiques NXI Gestatio de l’UQAM, avec notamment Nicolas Reeves, artiste architecte chercheur. En deuxième lieu, le projet continuera de prendre forme avec la collaboration Jean-François Lemieux comme coréalisateur et musicien, puis de Jonathan Harnois, auteur, pour les textes en français. Ce processus fait office “d’expérience” scientifique et créative. «L’expression “cheval de mémoire” qui apparait dans le titre fait référence à l’hippocampe du cerveau intimement relié à l’enregistrement des phénomènes traumatiques», explique Marie Martine. «J’ai découvert son existence et son rôle par les travaux de la Dre Muriel Salmona, psychiatre et militante française en matière de violences sexuelles.» Si l’expérience en soi n’est guère aisée pour l’auteure, compositrice, interprète, elle permet néanmoins de guérir par le biais de la musique, dans un monde qui entretient la culture du viol, malgré la visibilité d’initiatives telles que #moiaussi. À commencer, par cette peur de nommer les choses, explique la survivante: «Ce qui me dérange le plus au Québec, comparativement à la France, par exemple, où le mot viol est encore utilisé dans le Code criminel, c’est l’utilisation des mots. Au Québec, on parle “d’agressions sexuelles”, et je trouve que ça dilue la perception de la gravité du crime. Comme si le mot viol était trop violent à recevoir et pourtant, c’est le seul mot qui puisse décrire sans détour ce que c’est ce que les victimes ont subi.»
Enfin, pour toutes ces raisons, Marie Martine utilise le voyage du cheval de mémoire pour porter sa voix et une réalité trop peu entendue. «Je trouve qu’en musique, les femmes d’un certain âge, ou du moins passé un certain âge, sont sous-représentées et c’est dommage, car on a encore des choses à dire», appuie la musicienne. «Surtout que ce n’est pas exceptionnel pour une victime de prendre plusieurs décennies à guérir… Donc, la journée où tu commences à être fonctionnelle, après tout ce temps, la société ne t’accueille pas à bras ouverts à cause de ton âge…» En effet, en musique, nombreux sont les concours et les bourses qui s’adressent uniquement aux moins de trente-cinq ans, comme si après cet âge, la carrière musicale, voir son changement et sa progression n’était plus possible. Et Marie Martine de conclure sur cette note : «Je tenais également à ce projet pour briser ce stigma de l’âge et donner espoir aux femmes qui ont plus de difficultés que d’autres à s’en sortir. Je veux dire aux femmes de continuer d’aller de l’avant : il ne sera jamais trop tard! Quelque part, il y a quelque chose de magnifique à survivre au pire».
La photo est de JoséeB 2019.
Pour plus d’infos, cliquez.
Le guide hebdo des arts et de la culture des Laurentides
Dans sa onzième année! / 541e édition
Accueil | Cette semaine | Bientôt | Expositions / Littérature | Actualités | Arts et culture | Portraits | Cinéma / Guide
Le guide hebdo des arts et de la culture des Laurentides
Dans sa onzième année! / 541e édition
Accueil | Cette semaine | Bientôt | Expositions / Littérature | Actualités | Arts et culture | Portraits | Cinéma / Guide
© 2012-2023 Les éditions Pommamour.
Tous droits réservés.